De la démolition à la déconstruction : vers un nouveau modèle
Les matières résiduelles provenant du secteur de la construction, de la rénovation et de la démolition (CRD) sont principalement issues de deux flux de matières, soit des bâtiments et des travaux d’infrastructures. Considérant l’homogénéité des matières issues des travaux d’infrastructures, leur recyclage s’en trouve facilité et le secteur parvient généralement à d’assez bons taux de valorisation. Ainsi, c’est plutôt dans le secteur du bâtiment, où on retrouve une plus grande variété de matériaux parfois difficiles à séparer, que se rencontrent les plus grands défis de valorisation.
Le secteur du bâtiment à la pesée
Selon une estimation publiée dans le Bilan 2015 de la gestion des matières résiduelles au Québec, les centres de tri de matériaux secs du Québec auraient reçu, en 2015, 1,85 million de tonnes de résidus CRD issus du secteur du bâtiment. Considérant que ce tonnage correspond à 71,5 % du total estimé de matières CRD générées dans ce secteur au Québec, l’objectif gouvernemental d’envoyer au moins 70 % de ces matières dans les centres de tri aurait déjà été légèrement dépassé. Cependant, plusieurs enjeux viennent assombrir ce tableau. Qu’il s’agisse de la valorisation quasi inexistante du gypse ou des coûts élevés reliés à la gestion des particules fines, les débouchés ne sont pas toujours existants pour les matières triées. Selon une fiche informative de RECYC-QUÉBEC, en moyenne, à peine plus de la moitié (53 %) des matières CRD envoyées à un centre de tri en ressort aux fins de recyclage, l’autre moitié étant plutôt destinée à l’enfouissement ou à être utilisée comme matériel de recouvrement.
L’épineux cas du gypse
Selon une étude réalisée par Deloitte pour RECYC-QUÉBEC, entre 175 000 et 225 000 tonnes de gypse résiduel seraient générées annuellement au Québec. Malheureusement, près de l’entièreté de cette matière serait toujours envoyée à l’enfouissement. C’est la fragilité du gypse qui fait en sorte qu’il se désagrège dans les centres de tri et se retrouve dans les résidus de tamisage. Auparavant, cette poudre était souvent utilisée comme matériau de recouvrement dans les lieux d’enfouissement technique (LET). Cependant, puisque la poudre de gypse en contact avec l’eau produit une odeur nauséabonde en absence d’oxygène, plusieurs LET refusent maintenant de l’utiliser comme matériau de recouvrement.
En réponse à cette problématique, Synergie Économique Laurentides a mis sur pied un projet-pilote en trois étapes visant à dresser un portrait des gisements sur le territoire, développer les meilleures méthodes de tri à la source et d’identifier les débouchés potentiels pour la matière.
Déconstruction : la planification est la clé
Le concept est tout simple : plutôt que de démolir un bâtiment, puis d’envoyer les matières au centre de tri ou à l’enfouissement, le démantèlement du bâtiment est planifié et effectué de façon à maximiser le potentiel de réemploi et de recyclage des matériaux. Malgré son coût plus élevé en main-d’œuvre, la déconstruction peut s’avérer économiquement rentable lorsqu’elle permet de recycler ou même de réemployer la matière plutôt que de l’éliminer. Un réseau structuré de réemploi et de recyclage des matériaux est donc fondamental pour favoriser les activités de déconstruction et c’est généralement ce que les organismes d’économie circulaire comme Synergie Économique Laurentides s’efforcent de faire. Ainsi, petit à petit, la déconstruction gagne du terrain au Québec et de plus en plus de donneurs d’ouvrage en exigent la pratique.
Coordonnateur | Secteur Matières résiduelles et Biodiversité | Section québécoise de la Solid Waste Association of North America, Réseau Environnement